91.
Ils arrivèrent au milieu de l’après-midi devant l’Institut du monde arabe. L’imposante bâtisse argentée se dressait face à la Seine comme un grand cube tombé du ciel. Ils traversèrent le grand parvis blanc dans le froid de plus en plus glacial de cet hiver qui n’en finissait pas, puis ils ouvrirent les portes de verre fumé.
Pour entrer, il fallait passer un détecteur de métaux. Ari était armé, ainsi qu’Iris et Krysztov. Il se dirigea vers l’agent de sécurité et exhiba sa carte de police.
— Bonjour monsieur.
— Bonjour, répondit le gardien avec courtoisie. Je peux vous aider ?
— Nous sommes armés tous les trois, mais nous aurions besoin d’entrer à l’Institut.
— Dans quel cadre ?
— Une simple enquête.
— Dans ce cas, je vous demanderai de laisser vos armes ici, vous les récupérerez en sortant.
Ari déposa donc son Manurhin dans un placard et les deux autres l’imitèrent derrière lui.
— Qui voulez-vous voir ? demanda l’agent de sécurité une fois qu’ils furent passés sous le détecteur.
— Nous menons une enquête sur un astrolabe et nous aurions aimé rencontrer le directeur du musée.
— Ça m’étonnerait qu’il soit là un dimanche, rétorqua l’homme en uniforme.
— Vous voulez bien aller vérifier pour nous ?
— Bien sûr, je reviens dans un instant.
L’homme passa quelques coups de fil à l’accueil puis revint vers eux.
— Le directeur n’est pas là, mais le responsable des collections accepte de vous recevoir.
— Parfait.
— Suivez-moi.
Ils montèrent dans un ascenseur en verre et traversèrent un couloir jusqu’à un petit bureau. Un homme d’une quarantaine d’années les accueillit poliment.
— Asseyez-vous, je vous en prie.
— Merci.
Ils prirent place dans la pièce étroite où s’entassaient livres et dossiers.
— Comment puis-je vous aider ?
— Nous enquêtons sur un astrolabe et nous cherchons à le localiser.
— Je vois. De quel astrolabe s’agit-il ?
— Celui qui fut rapporté à Reims par Gerbert d’Aurillac.
L’homme haussa les sourcils, stupéfait.
— Permettez-moi de m’étonner. Je connais très bien l’histoire des astrolabes et personne ne sait vraiment quel est celui dont parle Gerbert d’Aurillac. Il y a eu de nombreuses suppositions, mais il n’a jamais été démontré que tel ou tel astrolabe correspondait à celui mentionné par le pape et qu’il rapporta probablement à Reims, de retour d’Espagne, un peu avant l’an mille. Comment pouvez-vous donc chercher à localiser un astrolabe dont on ignore tout ?
Il était hors de question de montrer les carrés à cet homme, mais Ari avait toujours la photocopie de Paul dans son portefeuille. Il la tendit au responsable des collections de l’IMA.
Celui-ci, intrigué, ajusta ses lunettes et inspecta la feuille.
— C’est… C’est très étonnant ! Quel est ce document ? demanda-t-il, visiblement troublé.
— Un manuscrit du XIIIe siècle, se contenta de répondre Ari.
— Écoutez… Cet astrolabe ressemble trait pour trait à une pièce fort célèbre, que l’on appelle « l’astrolabe carolingien », qui est considéré comme le premier astrolabe de l’Occident chrétien. Les inscriptions dessus ne sont pas en lettres arabes mais en lettres latines. C’est exactement le même, sauf que celui de votre dessin, justement, est vierge. Et puis ces espèces de lunes, là… je n’ai jamais vu ça. Je vous avoue que je suis un peu stupéfait.
— Avez-vous une photo de cet astrolabe ?
L’homme leva la tête, les yeux écarquillés.
— Mais j’ai bien mieux que ça.
— C’est-à-dire ?
— Cet astrolabe fait partie des pièces de notre musée, monsieur. Il est en vitrine, dans une salle juste en dessous de vos pieds.